À l’origine, il y avait l’eau.
Dedans, des bactéries.
Qui ont évolué et sont devenues poissons.
Après avoir fait le tour des profondeurs de l’océan, certains
poissons sont allé profiter des eaux baignées par le soleil, léchant le
rivage. Pour plus de facilité, se sont laissés pousser les nageoires.
Celle-ci sont devenues excroissances ressemblant bientôt à des pieds
pour marcher à l’air libre.
À l’origine, il y avait les dinosaures. Et l’évolution.
Quand on regarde Jean-Yves de près, et qu’on pense à tout ça, soudain on comprend. C’est une évidence.
Jean-Yves, notre grand gourou à tous de l’esquimautage. Celui qui
vient de la mer, qui est allé batifoler dans les grottes sous-marines
des fjords de Norvège. Des eaux calmes et noires qu’on distingue à peine
des stalagtites et mites du fond. À moins qu’il ne s’agissait en fait,
de la gueule ouverte de la baleine de Job ou Pinocchio.
Comment savoir.
Jean-Yves, on ne lui connaît que ce nom. C’est une légende. Vivante.
Il a l’habitude des dangers notre Mike Horn breton. Un cowboy
solitaire très à cheval sur la sécurité. Sa passion, se fondre dans la
nature. Faire corps avec elle. Il a son monitorat et prend sa mission
très à cœur. La certification ultime livre le maître au service des
autres.
Un sacerdoce. Toute la beauté de l’ampleur.
Et nous, les petits dauphins adultes de la Cale, même si on a 8 ans
sur l’eau, en vrai on n’en mène pas large quand il s’agit
d’esquimauter.
Gladys, notre jeune prodige qui en a dans la combi de néoprène,
s’est laissée ferrée et ne regrette en aucun cas son parcours
initiatique de jeune padawan auprès de son Yoda de maître Jedi.
Samedi, de 9h du matin jusqu’à 17h, ils se sont entraînés dans les
eaux presque émeraudes (la forêt primitive de chez nous apporte son lot
de dépaysement aussi) et presque réchauffées de cette météo hésitant
entre canicule estivale et printemps.
Voilà pourquoi quand je les ai interviewés, l’évidence a jailli.
Quand Jean-Yves était petit, c’était le même au 1/1000ème, c’est tout.
Il est l’élément manquant de l’évolution. Le sur humain du poisson, le centaure amphibie de l’humain.
D’ailleurs, si on touche, le revêtement de son kayak est un peu
mou. La texture semble être la même que celle de la raie. Ou du requin.
Tout prend sens.
Gladys aussi est en train de vivre sa propre métamorphose. Pour
preuve, au bord du ponton, elle faisait travailler ses abdos en s’aidant
de la poussée d’Archimède pour remonter hors de l’eau tel un bouchon de
liège lâché des profondeurs. En apparence. En réalité, il n’en était
rien. Et c’était tout le contraire. Son bassin et ses jambes n’ayant pas
encore fusionné avec sa monture aérodynamique orange, elle luttait de
toutes les forces de ses bras, pour ne pas glisser vers le fond du kayak
à la verticale.
C’est tout pour aujourd’hui.
Cette rencontre a été une telle révélation, que je reviendrai
raconter la suite par épisode. Parce que quand même. Esquimauter c’est
tout un art.
C’est beau.
Fascinant.
(Humblement moi…Magali)