Marathon de l’Ardèche 2022

Le club de Canoë Kayak de Pont-Réan, prix du club le plus représenté sur 1500 concurrents.

Notre fine équipe de Pont-Réan a frappé fort une fois de plus.
Déjà réputés vivier à champions de France, du monde, en kayak de descente et canoë biplace, nous nous sommes, cette fois, démarqués brillamment en C9, ou canoë 9 places.

La course “Challenge” concerne les « poids lourds » du marathon à travers les fines Gorges entrelacées de marmites, gravières et autres falaises millénaires de l’Ardèche. Une règle unique pour ce départ de course mythique : minimum 4 places, maximum 13. Quel que soit la coque ou le navire.

Tout a germé juste avant l’été 2022, en pleine élucubration d’un cours d’adultes en APA (activité physique adaptée). Un vent d’aventure et de défi nous avait effleuré. Et pas lâché.

La performance avait déjà été portée haut les pagaies l’année précédente, lors du semi-marathon d’Auray. L’embarcation choisie, une pirogue hawaïenne grâce et autour de notre Michel, rescapé d’un AVC bien cardiaque. Initiateur et rassembleur de cette formidable épopée chaleureuse et sportive. Alors pourquoi ne pas armer un canoë de 9 places avec un équipage moitié APA, moitié valides, comme en compétition handisport ?

Aussitôt dit, aussitôt fait.
En septembre, semi-marathon d’Auray en guise de mise à l’épreuve et entraînement à la dure. L’Ardèche ne s’improvise pas.

Au retour au pays, c’est un 2eme équipage qui se constitue avec un 2eme C9 tout aussi bleu nuit que le premier. Des jumeaux. Dedans, une folle équipe galvanisée par les coups de pagaie de plus en plus en rythme, le temps de trouver ses marques. Puis de rires en éclaboussures, de sabordage entre les canoës en entraînement cardio 10, 20, 40 coups de pagaie à la seconde dans une chorégraphie de ballet parfait, nous volons presque sur notre belle Vilaine.

Arrive le grand jour. Celui du grand départ. Les descendeurs en K1 fins comme des cormorans, sont du voyage. Louis Forgeard en tête de file. Ils battront l’eau, le calcaire et les bouillants rapides avec nous. Dans un départ « Descente » institué 1h après les « Challenge ». Les K1 (kayak 1 place individuel) s’élanceront tous ensemble à 11h, tandis que les canoës de 4 places et + se jetteront dans la course à 10h samedi 12 novembre.

Dimension collective, c’est tout le club qui s’engage. 3 camions, 3 remorques, 3 cadres, le président et presque tout le bureau à sa suite.
Direction l’autre bout de la France, au soleil : Vallon Pont d’Arc pour le départ de la 38ème édition du Marathon de l’Ardèche, St Martin d’Ardèche pour la ligne d’arrivée.

À l’arrivée, il fait nuit noire, les camions et remorques s’enfilent souples et fins comme des anguilles entre les ruelles de vieilles pierres. Nous y sommes.
Et comme par enchantement, un gîte se découvre, accroché à la falaise, au bord de l’Ardèche, avec à bord des lits-clos modernes par chambres de 4 à 18 pour nous accueillir. Ardèche et Bretons sont faits pour s’entendre. Un bon présage.

Le lendemain, frais comme des gardons, nous partons goûter l’eau. « Vilaine -2 » disent les plus hardis. « Brrr » répond l’écho.
Mick s’assure que chacun est bien couvert. Non, répondent 2. David, grand sportif s’engaillardit à chaque pelletée d’eau froide. Et Magali a son concombre. Tout va bien. Un concombre nourrit, réhydrate et re minéralise. Qu’on se le dise. Mick ouvre les yeux ronds comme des soucoupes, une première à ne pas oublier. L’Ardèche & le concombre, faudra en faire un article, dit-il 🙂

Les 2 canoës, tour à tour s’élancent. Le débit est impressionnant. Autant monter dans un train en marche. À peine en selle, équipage et barreur se coordonnent. Bac à gauche, reprise dans la veine du courant, puis bac à droite. Virement puis reprise dans l’autre sens. Canoë de Mick ok. Canoë d’Elodie nickel aussi. On continue. Petite accalmie. Que les Gorges sont belles. Après le gros rocher ce sera la passe, la fameuse de Charlemagne, la terrifique de l’Ardèche en pleine poire. 
Contrat de confiance absolue, Auray nous a formé, on y va. Ordre de Mick, on accélère. Glissade. Les eaux tumultueuses se jouent de nous et se bousculent pour nous mettre à l’épreuve. Les petites devant clapotent et s’enroulent puis se déroulent. Nous filons. Alors les parents, les grandes vagues s’en mêlent et comme si c’était un jeu où tout est permis, se congratulent les unes les autres et se jettent à l’intérieur du bateau. Affrontement. Ne pas lâcher, pagayer à même cadence, ensemble. Tous en un, confiance absolue. Les vagues nous honorent, elles se taisent et s’apaisent.
Galvanisés et heureux nous restons aux aguets, la joie sera totale quand notre clan sera au complet. Où sont-ils.
Les vagues les ont roulés. Bon bain pour chacun. Débriefing à nous tous. Chacun prend des notes. En cas d’assaut de la furie aquatique, se déporter pour rétablir l’équilibre du bateau n’est pas se déplacer, fatale erreur. Tout le monde se souviendra de la leçon, les 2 équipages écoutent et absorbent l’idée clef.

Jour J. Les 2 C9 sont placés à bon poste. Nos casques sont décorés, drapeau breton accroché. Autocollants réglementaires devant droit, arrière gauche. À notre droite un canoë de mal-emplumés, le canot rempli de canettes de Red Bull nous offre un autre visage d’une compétition majeure qui compte. De l’autre bord, des champions du monde de tous bords, des vrais, ont pris place. Certains se sont réunis tous dans le même bateau. Au sein de notre équipage, notre Evelyne compétitrice et championne handisport les connaît presque tous, elle nous informe.

Nous savons que nous serons bien entourés. Ceux-ci sont là pour la gagne. D’autres pour le voyage. Nous, pour l’effort, la performance et le sport.
Nous savons aussi que tout peut arriver, le barreur, tomber à l’eau, le canoë se renverser, s’échouer, celui de nos copains aussi. On sera là pour eux. Parce qu’au-delà de la performance, il y a surtout l’humain. Un marin d’eau douce ou de mer reste un marin. C’est l’esprit de corps.

Le départ se précise. Les paddles, ces funambules fragiles debout sur l’eau imposent notre admiration.
Les pirogues et canoës s’activent et vont de bons trains de compliments de costumes en décoration de circonstances. Nous sommes pris en sandwich entre un Blanche-Neige mal rasé mais très sympa et ses 7 nains et le canoë de starlettes des 80’s de notre moitié de CKCPR (notre club de Pont-Réan).

Quelques fines minutes plus tard, on s’installe sur nos bancs comme des Indiens. Il faut garder la ligne, pas de triche, les petits bateaux organisateurs veillent et font reculer la cohue. 

Positionnement, respiration, Camel Bag en place, planté de pagaie, on s’élance ! À condition de pouvoir placer sa pagaie. Certains osent la triche, retiennent le canoë concurrent en arrière ou rotent sur leurs concurrents. La majorité est fair-play. Le jeu s’en tient à jouer des coudes et se dégager du raz-de-marée de canoës qui cherche à s’extirper de la masse gluante et filer droit devant sous l’arche vers la liberté de mouvement. Pas une mince affaire. Quelques petites frayeurs. Tout le monde se gêne. Enfin surtout les autres. Les allemands ne sont pas drôles. On ne connaît pas un mot de teuton mais vraisemblablement ce ne sont pas des mots d’amour qu’ils nous jettent. Pas question de se laisser distraire ni distancer, on se focalise sur la descente de plus en plus libre de navigation. Enfin l’horizon. Un peu d’accalmie. Ou presque, une grève, un premier virage, se frayer de nouveau un passage. Un canoë fou ou hooligan se jette sur les concurrents semblant vouloir les désarçonner. C’est flippant. Sûrement des kamikazes cherchant à faire le vide sur l’eau pour mieux débarrasser le plancher. Il n’en est rien. Juste un canoë qui ne se maîtrise pas. Dangereux pour les autres avant tout, pour lui-même ensuite. On ne le reverra pas par la suite.

Mick, notre barreur hors pair, opte pour une avancée prudente et stratégique.

De virage en virage, c’est l’hécatombe. Un canoë mal engagé, perd l’équilibre et part à la baille. Un autre se retrouve dans le contre-courant, il perd son élan et ne tarde pas à se faire malmener par la veine d’eau. La plage de gravier et les rochers jouxtant la falaise, s’occupent d’échouer la bête. Baille inévitable là aussi. 

Nous nous frayons un chemin entre les têtes. Le passage se fait de plus en plus étroit, nous sommes en totale symbiose avec les ordres de Mick. À chaque passage périlleux, nous respirons. Le 2ème canoë est en vue pas très loin derrière. Nous tenons bons.
Puis les lacets des gorges semblent s’allonger un peu, l’autoroute prend des airs de rallye moins encombrés, les chevauchements et doublements se font plus académiques. La descente paraît plus fluide aussi. Nous nous sentons soudain, privilégiés et en bonne position.
Quand tout-à-coup une voix déchire notre ciel qui se lève enfin. « Arrêtez ». Puis « marche arrière ». Interloqués, il nous semble rester interdits de longues secondes qui nous paraissent « Game over » avant de simplement obéir au commandement. Evelyne, notre moteur handisport a perdu sa pagaie. Ce sont des choses qui peuvent arriver. Nos concurrents immédiats nous doublent ravis. Rien n’est jamais acquis. Rien n’est 100% prévisible. Une course se vit comme une partition de musique, en la jouant. 

Heureusement la pagaie nous retrouve bientôt dans la même veine et nous reprenons notre train. Occasion de respirer, nous abreuver et pour certains changer de bordée pour régénérer les muscles tétanisés. 

Sur le chemin de notre secret espoir de retrouver notre pole position, nous dépassons d’anciens concurrents barbotant çà et là dans l’eau. 
Au bout d’une bonne heure à cette cadence constante, le stand de ravitaillement de mi-parcours nous fait de l’œil. Simple image d’Épinal, emporté par notre élan et l’endurance régulière, notre canot continue sa course sans s’arrêter. Nous voguons en symbiose entre allure régulière et coup d’accélération palpitante. Souvent nous sommes stupéfaits de voir des équipages pagayer en désordonné et être positionnés malgré tout une place devant nous. Il semble qu’ils ne s’activent de façon académique et sérieuse que pour dépasser. Mick nous informe alors qu’ils bénéficient d’un poids de canoë plus léger aidant ainsi allègrement l’embarcation. De cette injustice, nous en tirons immédiatement une fierté non feinte. Amateurs depuis 2 mois à peine dans cette discipline, si notre canoë pesait moins, nous damnerions facilement le pas à tous ces équipages de pacotille, alors. Ensemble nous sommes notre meilleure force.

Ça fait maintenant 1h et demi que nous filons le train, évitant comme des toréros les cornes des falaises par une passe élégante et rapide avec l’adresse stratège de notre barreur, le grand Mick. C’est d’ailleurs la seule image qui me revient quand je ferme les yeux et que je suis illico téléportée de nouveau dans cette folle aventure. Mick nous avait dit « accélérez », le bouillon nous ouvrait les bras, nous nous élancions pile perpendiculaire à la paroi de la falaise de calcaire aux arrondis érodés dans le lit de sa base, prêts à nous écraser aveuglément contre son plat de craie. Quand tout à coup, la veine nous emporte dans son jus et un virage instantané de 45 degrés à tribord s’opère pour suivre avec panache le lit de la descente. Les décors se retirent, falaise et rochers s’écartent pour nous laisser passer. Magique.

Endurance et respiration, les petits bateaux de haute-rivière du club organisateur de cette course mythique semblent de plus en plus présents dans les contre-courants calmes derrière chaque rocher, de plus en plus souvent. À l’affût des pièges des marmites. Les pompiers, gendarmes et autres secouristes sont en alerte aussi. Toute la nature est en éveil.

Puis enfin, le lit des gorges s’ouvre, le fleuve s’élargit. Les falaises s’évanouissent. Les rives boisées de verdure réapparaissent. La couleur de l’eau n’est plus calcaire. Marron, elle ressemble de plus en plus à notre Vilaine natale. Le marathon semble s’éterniser. 
Ça fait probablement 2 heures qu’on navigue, on ne sait plus. Heureusement qu’on alterne régularité et cadences d’accélération. Se concentrer sur la respiration constante sans relâcher. 

Soudain au loin, ô mirage, une passerelle quadrille notre horizon. Puis une énorme bouée orange sous le pont à gauche. Il faut franchir la largeur du fleuve et contourner la bouée par sa droite et s’engager en épingle à cheveux entre la berge et la bouée sur la gauche en remontant. Plus que quelques encablures. La ligne d’arrivée se dessine. La frénésie de la compétition s’empare des dernières forces. Ne pas lâcher. Cécile nous prévient que nous sommes talonnés de très très près, tout donner, surtout tout donner. La gomme à son maximum. Jusqu’au bout nous sommes crispés sur nos cadences de pagaie. Puis comme dans une fin de livre, nous nous surprenons à nous encastrer généreusement dans l’arrière-train de nos compétiteurs arrivés juste avant.
Fourbus, crispés, tétanisés. Mais heureux.

Puis au moment où nous touchons terre, notre moitié pointe sa fine anguille en aval de l’île, juste avant le franchissement de largeur du fleuve, juste avant le dernier virage salutaire. Tous nous levons nos pagaies et les encourageons « Allez Pont-Réan, Pont-Réan ! » 

Belle croisade. Réunis et fiers d’y être parvenus ensemble à 5 minutes à peine d’intervalle. Magnifique !
Aucun accroc, aucune baignade.
Vives nos barreurs Mick et Elodie, vive la cohésion de nos équipages. 
Bel esprit sportif.

En plus de nos beaux classements, 13èmes et 20èmes /50 avec 2 heures et 2 minutes et 2 heures et 8 minutes au compteur, nous avons gagné le prix du club le plus représenté. Ce qui nous vaut 31 places gratuites pour l’année prochaine.

Trompettes et binious !
La Bretagne, représentée par le CKCPR de Pont-Réan ce week-end, s’est bien acclimatée à l’Ardèche.

Magali

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